Le Fruit Maudit - installation éphémère à la Maison O'Neill de Québec
Une oeuvre d'art contemporain temporaire
Cooke-Sasseville, 2021 - Polystyrène, linex et plastique
Du 21 octobre au 15 décembre 2021
En bordure des sentiers du domaine de la Maison O’Neill, trois imposants personnages, tantôt mystérieux, tantôt ludiques, s’affairent autour d’un scintillant fruit d’exception, dominant le paysage. Ils s’activent… mais à quoi au juste… et pourquoi?
À première vue, Le Fruit Maudit contraste avec le milieu bucolique dans lequel il se dresse, apparaissant telle une anomalie, mystérieuse et amusante. L'œuvre semble cachée dans le buisson, certains éléments étant dissimulés par la flore. Les couleurs primaires criardes des trois personnages surdimensionnés contrastent non seulement avec le paysage automnal qui les entoure, mais aussi avec le fruit autour duquel ils s’affairent. Ce qu’on devine être une pomme, or so it seems, arbore des allures scintillantes et dégage une aura sacré. Le fruit serait-il un objet de culte? Si c’est le cas, pourquoi alors serait-il maudit? Et que font les trois bonshommes qui l'encercle?
Le Fruit Maudit se déploie donc à la manière d’une énigme, à la fois attirante et repoussante. « C’est un jeu sur les limites parce qu’on se permet d’aller plus loin dans l’oscillation entre séduction et répulsion », nous explique le duo. « Les couleurs, les formes et le traitement sont irrésistibles et nous poussent à s’approcher, alors que le propos est dérangeant et place le spectateur dans un rôle de voyeur malgré lui » . Le Fruit peut donc mystifier et déranger à la fois. Cette mise en relation de concepts contradictoires et la rencontre improbable entre différents éléments figuratifs sont des thèmes souvent explorés dans le cursus Cooke-Sasseville, notamment en ce qui concerne leurs créations d’art public.
En raison du contexte sociétal fragile qui a émané de la pandémie de la Covid-19, plusieurs installations publiques ont pris une tangente axée sur l’apaisement et le réconfort. Cooke-Sasseville s’inspire de cette notion à la base de l'œuvre, mais pousse le concept dans une direction toute autre avec son Fruit Maudit. Le duo explique que « l’œuvre proposée est complexe, certaines des références, celle à l’univers de Peyo entre autres, sont connues et rassurantes; les Schtroumpfs sont des êtres bons et gentils qui poursuivent des objectifs nobles la plupart du temps » . Cependant, « le glissement s’opère par le chapeau habituel de ces personnages attachants transformé en cagoule. Les références bibliques sont plus ambiguës, le fruit de la connaissance ou encore le Veau d’Or peuvent être évoqués et sont habituellement considérées comme ayant des connotations négatives liées au vice. L’action d’enterrer, de cacher quelque chose ou de s’en débarrasser provoque également un questionnement. Bref, l’œuvre est paradoxale et dégage un réconfort de façade qui cache un malaise évident. Plusieurs de nos œuvres fonctionnent sur ce principe » .
La caractère éphémère de l’installation a permis une plus grande liberté aux créateurs. Selon eux, « on ne peut pas réfléchir de la même façon une œuvre d’art public éphémère et une œuvre d’art public pérenne. L’éphémère permet d’être beaucoup plus incisif, voire provocant puisque les citoyens n’auront pas à côtoyer l’œuvre sur une longue période de temps. La narration et les références à l’actualité peuvent prendre toute la place au besoin ». Une œuvre publique à durée définie permet donc une plan latitude, car selon Cooke-Sasseville, « l'art public cherche l’universel dans la durée ce qui représente un immense défi dans la conception des œuvres. L’art public éphémère est entièrement exempté de ce type de contraintes, l’intemporalité et la recherche d’un consensus ne font pas partie de l’équation ».
Le Fruit Maudit se veut donc une œuvre teintée d’humour noir qui convie le marcheur à prendre part à un jeu autour de la notion de l’ambivalence aux multiples niveaux de lecture possibles. Il est donc invité à contempler l'œuvre et s’interroger, décelant lui-même un sens qui lui sied.